Ce que la forêt enseigne à nos élèves
L’école en forêt… Si le sujet vous intéresse, vous questionne, vous trouverez pléthore d’articles sur la toile. C’est un sujet très en vogue… De plus en plus d’enseignants se passionnent et se forment à cette nouvelle pédagogie.
Alors, effet de mode ou réel intérêt ?
En m’initiant à cette pédagogie, j’étais très curieuse d’apprendre ce que je pourrais enseigner en forêt… On imagine aisément pouvoir y enseigner les sciences, mais pour le reste ? En forêt, passe-t-on son temps à reconnaître les différentes essences d’arbres ? Cela est certes intéressant, mais plutôt limitant. Lors de ma formation, j’ai découvert au contraire que la nature offrait de nombreuses possibilités pour enseigner les maths, le français, l’éducation physique, l’art…
Mais j’ai voulu aller plus loin dans ma réflexion et comprendre pourquoi l’école en forêt connaissait un tel engouement alors qu’on y enseigne les mêmes disciplines qu’en classe.
Quel intérêt de quitter le confort de nos classes douillettes et chauffées pour se retrouver dehors en plein hiver, chargés de bâches et de tapis isolants ?
Qu’est-ce que la forêt apporterait à nos élèves que nous ne pourrions pas apporter dans nos salles de classe?

Un changement de routine stimulant
En entrant dans la forêt, le cadre scolaire change radicalement. La mousse remplace les chaises ; les feuilles, les glands et les cailloux se substituent aux chiffres ; les bâtons servent de pinceaux et la terre de peinture. Tout devient donc expérience nouvelle. A la fin de ma première matinée d’école en forêt, j’ai été interpelée par la réaction des élèves : « C’est déjà fini ? Mais tu avais dit qu’on ferait des maths et du français ! ». Nous avions travaillé ces disciplines, mais différemment… Cette manière de travailler, inédite, les avait stimulés à tel point qu’ils n’avaient pas eu l’impression d’avoir travaillé et qu’ils n’avaient pas non plus vu le temps passer.
Des élèves responsables
Nos salles de classe sont soumises à des normes de sécurité bien établies. Nos élèves ne courent donc pas de grands risques en entrant dans leur école.
En forêt, quand bien même nous posons un cadre et sommes attentifs à la sécurité de nos élèves, les risques sont réels : risques de piqûre, de coupure, de chute… Les enfants doivent être plus que jamais responsables de leurs actes, car les conséquences d’une mauvaise attitude sont plus grandes. Pour autant, je dois dire que je n’ai jamais eu à me plaindre de mauvais comportements. La forêt aurait-elle le pouvoir de les assagir ?

Expériences qui renforcent la confiance en soi
La forêt est le lieu idéal pour se lancer de nouveaux défis : marcher en équilibre sur un tronc d’arbre, tailler un bâton avec un couteau, allumer un feu… Nous devons accompagner l’enfant dans ces nouvelles expériences, en lui faisant confiance, car c’est ainsi qu’il aura lui-même confiance en lui.
Je me souviens de ce jour où nous étions près d’un ruisseau. Un élève avait très envie de sauter par-dessus ce ruisseau… d’autres hésitaient. Nous avons regardé ensemble quel était l’endroit le plus propice pour faire cette expérience. Un premier élève a sauté, puis un autre… Je savais que je prenais le risque qu’un enfant revienne à l’école avec une chaussure mouillée. Mais ce n’était pas une raison suffisante pour leur interdire de tenter cette expérience. Soit ils apprendraient de leur échec, soit ils gagneraient en confiance.
Des élèves autonomes
Nous avons souvent tendance à trop seconder nos élèves, à faire ce qu’ils seraient capables de faire tout seuls. Pourtant les enfants aiment qu’on leur donne des responsabilités. Ils aiment faire comme les grands, les imiter. En forêt, les occasions sont nombreuses de leur donner des responsabilités. Je vois encore mes élèves tout joyeux de laver leur gobelet à l’eau du ruisseau. Aucun ne s’est plaint de la température de l’eau, de l’absence d’éponge et de savon… et ils ont même appris que la pression du ruisseau ne suffisait pas et qu’il fallait mettre les doigts dans le gobelet pour enlever toute la terre.
L’esprit d’entraide
Enfin, j’aimerais relever un dernier point qui m’a particulièrement touchée lors de mes séances d’école en forêt : l’esprit d’entraide, qui renforce la cohésion de groupe.
Très tôt dans leur scolarité, les élèves se comparent les uns aux autres. D’ailleurs notre système d’évaluations notées les y encourage. Cela créé un climat de compétition… Qui obtiendra la meilleure note ? Qui terminera son travail le premier ? Pourtant l’être humain gagne à partager ses compétences… comme le dit le proverbe africain : seul on va plus vite, ensemble on va plus loin !
Lors d’une séance d’école en forêt, j’ai volontairement choisi d’amener mes élèves sur un passage difficile pour rejoindre une clairière. Le chemin était en pente et boueux. Des élèves ont commencé à glisser et à ne pas se sentir à l’aise. Alors les enfants se sont donnés la main, créant une chaîne pour aider ceux qui étaient en difficulté. Je n’ai rien eu à faire, juste à observer cet élan d’altruisme et me dire qu’en classe je n’aurais probablement jamais été témoin de ce spectacle. Les enfants venaient d’expérimenter l’importance de travailler les uns avec les autres.
Aujourd’hui, je suis convaincue que l’école en forêt répond davantage à un besoin pour l’enfant qu’à un effet de mode. Elle lui permet d’apprendre avec joie, de croire en ses capacités, de grandir avec confiance et de prendre conscience que nous avons besoin les uns des autres.
Pour toutes ces raisons, et d’autres encore, j’encourage chaque enseignant à en faire l’expérience ! Vous pourriez bien y prendre goût !
Sarah Roth